Vous ouvrez pas les veines tout de suite

[Article rédigé le 27 mars] C’est pas vraiment dans la ligne éditoriale du Tangue, les bonnes nouvelles. Mais faire comme les autres, non plus. L’édito sera donc cuisiné à base d’ingrédients sucrés. Enfin un article garanti 100% sans Ladoucette.

 

Ah, c’est sûr que mater des télénovélas débiles et fixer des yeux la courbe du nombre de malades du Covid à La Réunion, c’est pas ce qu’il y a de plus enthousiasmant. Le Tangue, qui est un animal résolument optimiste, a décidé, entre deux parties de Punch Out sur la Nes Classic – galère, King Hippo – d’aller mater un peu du côté des bonnes nouvelles. 

 

Belle courbe

Avant, le matin, dès le réveil, on regardait la météo. On n’a plus le droit de sortir, alors le coup du “Il fera beau dans les Bas le matin, avant que ça ne se couvre dans l’après-midi”, ça peut bien nous en toucher une sans bouger l’autre. La nouvelle marotte, c’est donc de jeter un coup œil sur la courbe des malades, en constante augmentation. Évidemment, qu’elle est en augmentation, en comptant les nouveaux malades depuis le premier jour elle ne peut faire que ça, grimper.

 

 

Ça, c’est la courbe qu’on voit partout. Elle grimpe autant que la route du Maïdo, elle fout franchement les jetons. Le Tangue en propose une autre, celle du nombre de nouveaux cas par jour, qui permet, à nos yeux, de mieux suivre l’évolution de l’épidémie à La Réunion. C’est plus le même cari.

 

 

On voit qu’entre le 24 mars et le 26, un premier pic a été atteint aux alentours des vingt nouveaux cas (dépistés) par jour, avant de chuter hier soir.

Deux choses, sont étonnantes. Malgré les messages affolants qui ont tourné sur les réseaux sociaux il y a quelques jours annonçant une explosion du nombre de cas, et malgré l’accentuation du nombre de tests de dépistage qui auraient dû, mécaniquement, faire augmenter le nombre de cas, les chiffres des derniers jours montrent une stabilisation de l’épidémie à La Réunion. Attention, hein : dans l’Hexagone, les cas journaliers n’ont pas, non plus, suivi des courbes régulières, et une augmentation du nombre de cas dépistés positif par jour, à La Réunion, n’est pas à exclure, elle est même probable (voir notre précision à la fin du texte). N’empêche : notre courbe à nous, tout autant informative, est bien moins anxiogène. Et il n’est pas exclu que le confinement, la diminution du trafic aérien, aient des effets positifs sur les courbes.

 

Un taux de létalité à 0%

Lors d’une épidémie, le taux de létalité est le rapport entre le nombre de personnes décédées d’une maladie et le nombre de cas positifs constatés. En ce moment, en France, il est de 6% (1995 morts pour 32964 cas le 28 mars au matin). En Italie, ce taux est de 10% ; la Chine est à 4%. Dans les pays souvent montrés en exemple, les taux sont moins élevés : 0,7% pour l’Allemagne et 1,5% pour la Corée du Sud. Ces différences s’expliquent par deux facteurs : une plus grande politique de dépistage (plus on dépiste, plus on détecte de cas, notamment les cas “asymptomatiques”, moins le nombre de morts ramené au nombre de cas positifs est élevé) et une meilleure prise en charge des malades et de l’épidémie, de manière générale. 

À La Réunion, ce taux est pour l’instant de 0% : parmi les cent quarante-cinq malades comptabilisés depuis le début de l’épidémie, le 11 mars, aucun n’est mort du coronavirus, selon les annonces de l’ARS. En France, le premier mort est intervenu dès le début de l’épidémie, ce qui n’est pas le cas à La Réunion. 

Ce chiffre est, lui aussi, appelé à évoluer. Mais pour l’instant, et comme dans les autres départements d’Outremer ou les îles en général, La Réunion meurt moins qu’ailleurs du coronavirus : à titre de comparaison, Chypre, avec cent soixante-deux cas, a déjà constaté cinq décès.

 

Des vies sont sauvées

Huit morts en 2019, cinq en 2018, neuf en 2017, quatre en 2016, et on ne vous parle même pas du nombre de blessés. Ce sont les bilans, sur les mois de mars et avril, de la sécurité routière à La Réunion. Cette année, les chiffres étaient déjà en baisse : avec le confinement obligatoire, et la diminution importante du trafic sur les routes, mars et avril 2020 pourraient voir diminuer de manière très importante le nombre d’accidents, et donc le nombre de morts. Le coronavirus est en train de sauver des vies à La Réunion. Oui, oui.

 

Tonton, pourquoi tu tousses plus ?

Le Tangue a épluché les données de l’observatoire de la qualité de l’air à La Réunion. Elles aussi, donnent de jolies courbes. Pour les deux gaz les plus polluants, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre, directement issus de la combustion des moteurs thermiques (les voitures, les motos et les camions, quoi), on observe une chute des relevés dès le 16 mars, premier jour du confinement. C’est surtout flagrant dans les centre-villes, par exemple à Saint-Denis, où la rupture est très nette.

 

Tangues et poissons à la cool

Tout le monde s’en fout, et pourtant, nous, ça nous touche : le confinement est arrivé en pleine chasse tangue. Prévue du 15 février au 15 avril, elle aura donc été rabotée de moitié, ce qui arrange quand même pas mal nos tatas, nos cousins, et l’ensemble de nos copains.

Le lagon, lui aussi, peut se reposer, puisque ses petits poissons ne sont plus emmerdés par les crèmes solaires, les palmes et les masques Quechua. Dans les Hauts, les pétrels, qui s’apprêtent à prendre leur envol, ne devraient plus finir écrasés sur les stades de foot des communes qui ne respectent pas l’interdiction d’allumer les lumières après vingt heures.

 

On parle moins de foot

Ça fait peut-être bizarre, mais on ne parle plus de sport de compétition, et donc, surtout, moins de foot. La Saint-Pierroise est retombée dans l’anonymat le plus complet, comme les clubs pros en Europe. Le réveil économique risque d’être compliqué, ceci-dit.

Pourtant, le sport est en train de devenir une préoccupation de l’ensemble des Français : on se souvient, tout à coup, que le sport, c’est pas Messi, Jean-Michel Fontaine ou Dimitri Payet, mais bien d’abord une manière de se tenir en forme. Confinés, les Réunionnais ne se sont jamais autant interrogés sur leur activité physique, pour leur santé et leur bien-être. Dans les journaux télé, papier ou radio, les pages “sport” sont désormais consacrées au maintien de la forme. Il n’y a plus de gagnants de compétition, de champion de bidule, mais des gens qui pratiquent pour leur confort. L’essence du truc.

 

On pourrait encore continuer. Parler des annonces des grandes surfaces qui promettent de ne se fournir que chez les locaux ; de la baisse généralisée de la consommation, et de notre nouvelle manière d’envisager les courses, en réfléchissant aux denrées dont on a vraiment besoin ; d’Éricka Bareigts qui a, enfin, compris qu’il fallait arrêter de se promener entre la Préfecture, les conférences de presse et les plateaux télé…

Dès la semaine prochaine, on recommencera à emmerder le monde. Pour une fois, aujourd’hui, on n’en avait pas envie. Sûrs que vous non plus.

 

La rédaction du Tangue