Les chasseurs de tangue défendent leur pratique de manière franchement malhonnête. Les députés de gauche qui les soutiennent, eux, n’ont carrément pas lu leur propre programme.
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Posons les bases de suite, ça évitera à nos neuneus habituels des réseaux sociaux qui ne lisent pas plus de dix lignes de venir nous hérisser les piquants dans les commentaires : la chasse tangue, Le Tangue s’en fiche pas mal, il n’a pas grand avis là-dessus. Le tangue, on trouve ça dégueulasse, mais peut-être que le cuistot de Petite-France qui nous l’avait cuisiné il y a une dizaine d’années était juste mauvais.
Comme bien souvent, ce sont les arguments bas de plafond qui défendent cette pratique, qui nous échauffent nos petites oreilles. Les chasseurs pourraient faire simple : “On aime bien aller tuer des tangues, pour les manger, par plaisir de voir mener le chien, et nous faire une petite monnaie à la revente.“
Eh oui, les dalons : nous la faites pas à l’envers. Si vous mettez plusieurs centaines d’euros dans votre licence, et bien plus dans l’entretien du clébard, c’est pas juste pour le plaisir d’aller vous balader avec le royal bourbon pour le civet du dimanche. Y a un marché au black qui rapporte, et pas qu’un peu. On ne vous parle même pas du nombre de messages qu’on reçoit sur les réseaux, nous demandant si on vend des tangues. Que les tangues permettent de gagner un ti monnaie, impeccable, les temps sont durs, La Réunion est pauvre. Dites-le.
Et puis, cette chasse, elle serait “ancestrale“. Ben tiens : elle a à peine plus d’un siècle et demi. Historiquement, à La Réunion, on a plus longtemps coupé les oreilles des marrons ou éradiqué des espèces animales et végétales que chassé le tangue. Argument à la con, d’autant que l’introduction du tangue, pour être chassé, donc, visait à permettre aux pauvres gens des Hauts de se nourrir et d’améliorer leur ordinaire. Aujourd’hui, supprimez la chasse tangue, personne ne crèvera de faim.
Une chasse barbare.
Si la tradition, c’est traquer des bestioles jusqu’à l’épuisement, les faire mourir dans des conditions de souffrance intolérables, on peut, peut-être, y réfléchir. L’auteur de ces lignes vient d’une région où on pendait une fois par an un cochon par les pattes à la fourche du tracteur pour l’égorger au milieu de la cour et le voir râler pendant dix minutes en lui tenant le kabo pour pas qu’il pisse dans son propre sang. C’était la tradition, les tontons ont fait ça pendant des siècles : ben c’est peut-être pas plus mal que la pratique soit interdite et que le cochon, il soit désormais abattu dans des conditions plus dignes à l’abattoir. Ca ne change pas le goût du sauciflard.
C’est un peu ce que porte l’asso One Voice, qui a fait descendre les chasseurs de tangues dans la rue. C’est une asso écolo : elle joue son jeu. Protéger les animaux de la souffrance, de l’extinction, c’est son rôle, quitte à emmerder les chasseurs. Quitte à grossir le trait sur une population de tangues qui chuterait, ce qui repose sur des données assez parcellaires. D’ailleurs, les chasseurs, peut-être plus motivés par la préservation de leur gagne-pain que par un véritable sentiment écolo, allez savoir, se sont plusieurs fois attaqués au braconnage, le véritable danger pour les populations de bêtes à piques. Pour le coup, c’est malin.
Ce qui finit, enfin, de nous mettre les piques en pelote, c’est bien, une fois n’est pas coutume, le soutien aux chasseurs de quelques députés de gauche. Qu’on résume : Frédéric Maillot et Jean-Hugues Ratenon se sont associés aux chasseurs contre une association écolo, au nom des “traditions“. Oui, on parle de membres d’un mouvement qui a inscrit noir sur blanc dans son programme en 2022 : ” La lutte contre la maltraitance animale est un aspect central de la quête d’harmonie avec la nature. Rompre avec le système économique qui abaisse les êtres sensibles au rang de marchandises est un progrès pour l’humanité.” On n’est toujours pas étonnés : les députés ultramarins avaient explicitement demandé de na pas toucher aux batay kok, quand le camarade Aymeric Caron proposait d’abolir la corrida.
La chasse tangue ne met pas de chevrotines dans les fesses de randonneurs, se pratique sur des animaux pour l’instant peu menacés d’extinction, est organisée sur un temps assez limité pour préserver les stocks. Elle permet à quelques personnes des Hauts de gagner un peu de sous, de se passionner pour l’élevage de chiens, la traque aux petites bêtes et les recettes de cuisine. Mais elle est aussi vectrice de souffrances animales et d’un marché noir tellement lucratif qu’il dérape au moment de la reproduction des petits. Cékompliké.
La rédaction du Tangue
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