Patrice le grand frère

Se prenant pour Super Nanny avec les familles réunionnaises les plus précaires en leur expliquant comment élever leurs marmays, le Préfet garde ses lettres condescendantes pour les plus faibles.

 

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Il y a donc, à La Réunion, des familles qui viennent de recevoir une lettre du préfet, dans laquelle il les engueule de ne pas assez bien élever leurs marmays. Apparemment, Patrice Latron, il aime bien faire ça, donner des conseils d’éducation : depuis janvier, il publie ses missives postées aux proches de mineurs soi-disant délinquants.

Le ton de ses papelards ? “J’appelle votre attention sur le fait que les agissements de l’enfant mineur sont susceptibles d’engager votre responsabilité et qu’un contrôle de votre situation sociale peut être diligenté par les services de la CAF notamment. Je vous enjoins de veiller sans délai à ce que son comportement se conforme aux lois et règlements. (…) Je compte sur votre engagement pour que ces agissements ne se reproduisent plus à l’avenir, dans l’intérêt même de l’enfant, comme de celui de nos concitoyens.” Condescendance, paternalisme, menaces, le bingo est complet. Dans pas longtemps, le préfet va écrire aux gourmands d’arrêter de manger des pains bouchons, aux couples de mettre des capotes, aux RSAistes de ne pas acheter de la picole.

 

Tuons les pauvres

 

Oui, parce qu’apparemment, le problème des violences, pour le préfet, c’est les parents. C’est eux qu’il faut engueuler, c’est leur faute. Ben tiens. Le Tangue rappellera donc au moins une chose, bien documentée : la violence trouve sa source dans quasiment une seule et unique cause, la pauvreté. Si les parents s’occupent pas comme il faudrait de leurs marmays, ce n’est pas parce qu’ils sont complètement cons, c’est parce que leurs conditions sociales ne le permettent pas. Parfois, il serait bon de se prendre quelques jours pour relire Les Misérables

 

Pendant ce temps-là… la rue tue

 

En marche vers la récup de la mort d’un SDF !

 

Inégalités : La Réunion (presque) championne de France

 

Or, notre bon préfet ne se fend pas d’une missive publique pour engueuler Hayot, qui se gave sur le dos des Réunionnais, ou les élus qui trainent la patte pour construire les logements dont les populations les plus pauvres ont besoin. Non : il tape sur les pauvres, et il communique dessus. Il en est fier, en plus. 

Et puisqu’il aime tant ça, pourquoi n’écrit-il pas aux automobilistes tueurs et estropieurs, de plus en plus nombreux depuis quelques années ? Zut : ce serait avouer le fiasco de l’Etat, à La Réunion, concernant la sécurité routière.

 

La sécurité routière, l’énorme bide

 

A priori, les mineurs qui recevraient ces lettres ne seraient pas encore tous jugés. Le préfet dit lui-même que l’un d’eux, “Après enquête, (…) est impliqué dans cette agression et fait partie d’une bande.” Bon.

Mais alors, c’est une sacrée occasion que le préfet vient de louper. Olivier Hoarau, le maire du Port, en décembre, a été condamné pour recel d’abus de confiance et blanchiment (il a fait appel) ; Jean-Hugues Ratenon pour conduite en état d’ivresse manifeste, défaut de maitrise, refus de se soumettre aux tests de dépistage. Eux n’ont pas reçu de lettre condescendante du préfet ; ils sont pourtant des justiciables comme les autres, et condamnés au moins en première instance pour des faits d’une assez grande gravité. 

Tout accaparé à faire de la com’ dans le brouhaha xénophobe autour de soi-disant violences dans les quartiers, le préfet oublie, encore, que les deux tiers des violences se déroulent au sein des familles. C’est donc sur des faits de délinquance factuellement minoritaires que notre bon gouverneur fait du tintamarre.

 

La Réunion ensauvagée ? Toujours pas

 

Il surfe sur l’actu, Patrice Latron. Et au final, Le Tangue qui n’était pourtant un grand fan du précédent, doit bien avouer qu’au moins, Filippini n’allait pas jusque dans les familles pour jouer à Pascal le Grand Frère. Lui, au lieu de s’attaquer aux pauvres, il était allé mettre une rouste aux vendeurs de bibine. Ca fait pas lourd, mais toujours moins méprisant.

 

Le préfet Filippini, docteur Darmanin et mister Retailleau

 

La rédaction du Tangue

 

 

 

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