Le succès de la marche des visibilités LGBTQI+ ne doit pas faire oublier les positions rétrogrades de certains élus, de l’Eglise locale, qui rencontrent encore un écho favorable au sein de la population réunionnaise.
Le 11 mai 2017, le père Glénac est décédé. Les médias locaux, les politiques, ont tous eu une pensée émue pour le curé de Sainte-Marie : Nassimah Dindar, Philippe Naillet, Joseph Sinimalé, tous ont loué un “homme d’une grande bonté“, “d’une grande bienveillance“. Son enterrement, dirigé par Gilbert Aubry, a même eu droit à des directs sur Internet.
6 novembre 2012. Dans une interview au JIR, le père Glénac dit : “Si on veut faire un élevage de poules, on ne prend pas deux coqs […] Je ne suis pas contre l’homosexualité, mais célébrer le mariage de deux homosexuels est contre-nature. […] Ce qui m’étonne, ce sont ces couples homme-femme qui vivent en concubinage et ne veulent pas se marier. Les êtres normaux qui devraient se se marier ne le font plus, et les couples du même sexe voudraient le faire.” Personne n’a rappelé ça, le jour de sa mort.
Il y a une semaine, une marche des fiertés LGBTQIA+ s’est tenue à Saint-Denis, elle a eu un grand succès, et marquera très certainement un moment historique dans la visibilité des luttes contre les discriminations liées aux identités sexuelles ou de genre à La Réunion. Le Tangue ne veut pas être de mauvais augure : sur le fond, rien n’a pourtant changé. Et on ne parle même pas des commentaires sous certains articles et sur les réseaux sociaux : il y a un fond, rance, dont pas grand monde ne parle. Et celui-ci est remué par des personnes influentes.
“Salopes”.
Il faut se souvenir, par exemple, de cette journée du 5 octobre 2019, où quelques centaines de personnes manifestaient contre le projet de loi ouvrant la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes. Il faut se souvenir de ce petit groupe de manifestants LGBTQI+ se faisant insulter, devant nous, de “salopes” et de “fils de pute“. Il faut se souvenir, qu’à la tête du cortège, on retrouvait la députée Nathalie Bassire, l’ancien député-maire René-Paul Victoria et l’évêque Gilbert Aubry, coutumier des saillies homophobes. “Le père doit être celui qui coupe le cordon ombilical ! […] Si on va contre la nature, il n’y aura plus de fleurs, il n’y aura plus de fruits…”, disait-il alors. Aubry, on continue à lui ouvrir les portes des médias.
En août, cette année, le “Frère Clément Binachon” voyait sa tribune reprise chez nos confrères. Sans contradiction aucune, il y demandait : “Comment osez-vous choisir de dépenser entre 10 et 15 millions d’euros par an pour quelques milliers de couples homosexuels, alors que le pays est exsangue et l’hôpital public au bord du gouffre ? Non, derrière ce gouvernement vous choisissez de satisfaire les intérêts d’une minorité bruyante plutôt que de servir les pauvres silencieux.”
En février, mais comme les années passées, le JIR et Le Quotidien ont décidé d’illustrer leurs pages consacrées à la Saint-Valentin par des couples hétérosexuels. Chez Free Dom, nous lisions, il y a peu, dans un édito : “La jeune et ravissante Sandrine a été très déçue, presque dépitée sur le coup, de ne pas être suivie par les siens, notamment par le député Ratenon, mais en politique, il faut savoir parfois manger son chapeau et se concentrer sur l’essentiel, par exemple sa famille (son mari, ses enfants…).” Sébastien Lecornu a été désigné ministre des Outre-mer dans l’indifférence générale, lui qui était en première ligne dans la lutte contre le Mariage pour tous en 2013, et alors que les atteintes aux droits des personnes LGBTQIA+ dans les Outre-mer sont plus importantes qu’ailleurs. Dans les pubs que nous recevons, les couples hétérosexuels restent une norme indépassable ; et le jour de la fête des mères, il faut bien évidemment offrir des parfums et des fleurs aux mamans.
Il faut, aussi, rappeler la position de certaines personnalités politiques lors du vote du Mariage pour tous, en 2013. Quelques unes sont encore là, voire candidats aux prochaines régionales. Huguette Bello s’était abstenue ; le socialiste Patrick Lebreton avait été un des très rares membres de son groupe à voter contre, et Ericka Bareigts avait voté pour. Thierry Robert, de son côté, avait été particulièrement virulent contre la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.
Ce matin, une affiche particulièrement odieuse a été placardée sur les grilles de la mairie de Saint-Denis. Celle-ci a affirmé avoir porté plainte dans un communiqué.
Parmi tous nos autres cadors du communiqué de presse ou de la “tribune libre” qui dégainent très vite à la moindre broutille, aucun n’a encore réagi à ce fait divers hallucinant, en 2021, liant homosexualité à pédophilie, sur la voie principale de la plus grande ville des Outre-mer. Eh oui : les pédés, c’est bon, ils ont eu leur petit défilé, ils sont contents, n’en parlons plus.
La rédaction du Tangue