Le tourisme est responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde : en 2023, La Réunion n’a pourtant jamais accueilli autant de visiteurs extérieurs. Et la Région s’en réjouit.
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En 2021, Patrick Lebreton est candidat aux régionales. Dans son programme, une mesure forte, reprise par les confrères : faire de l’ancienne Route du littoral un circuit de rallye auto. Une mesure coûteuse, anti-écolo, irréalisable, mais qui fait alors cozé.
Après les ralliements de circonstance au second tour, Patrick Lebreton devient le premier vice-président du Conseil et récupère le prestigieux, et très stratégique poste de patron de l’Île de La Réunion tourisme, l’IRT. Le message est clair : l’écologie, la Région est pa la ek sa. Pourtant, dans son programme, Huguette Bello disait vouloir “Repenser la place du tourisme dans l’économie réunionnaise sous l’angle de la diversification, en travaillant sur des identités, dans le cadre d’une démarche éco-responsable.” Patatras : ce ne sera pas la première, ni la dernière promesse tombée aux oubliettes. Mais quand il s’agit d’écologie, le Tangue hérisse les piquants.
Car l’IRT prend bien, pour modèle, celui de Didier Robert, à base de chiffres. En début d’année, le boss de l’IRT expliquait, sur la base de chiffres qui n’ont été publiés que lundi : “Nous avons mis derrière nous le Covid. C’est une année record”. Record de quoi ? Celui de 2018, époque Didier Robert, donc, qui visait les 600 000 touristes extérieurs au début de son mandat, en 2010.
En 2019, le nombre de touristes à la baisse, adieu les promesses !
La Région se réjouit donc de “battre des records” datant de l’époque Didier Robert, c’est-à-dire du chiffre, du chiffre, du chiffre.
L’Observatoire du tourisme a, en effet, finalement publié le bilan de 2023. Il n’y a jamais eu autant de touristes venus de l’extérieur de La Réunion, c’est un fait : 556 089 personnes sont venues, plus de vingt mille de plus qu’en 2018 (534 630). La course au chiffre a bel et bien repris.
Or, le tourisme, à La Réunion, est avant tout une catastrophe écologique. Il est notamment responsable de la bétonisation de l’Île, réduisant les habitats de nombreuses espèces en danger, et amplifiant des inondations qui ne feront que s’accentuer avec la montée des eaux avant la fin du siècle.
Pour l’hibiscus, le tuit-tuit et le pétrel, ça commence à sentir mauvais
L’afflux de touristes provoque, encore, la création de nouvelles activités polluantes. La dernière en date, l’arrivée de jet skis dans le Sud Sauvage. Impeccable.
Plus généralement, le tourisme, envisagé comme “pourvoyeur d’emplois“, ne fait jamais l’objet d’interrogations sur son impact écologogique, lui qui est responsable de 8% des émissions de gaz à effets de serre dans le monde. Une activité mortifère.
Preuve, s’il en fallait une de plus, du je-m’en-foutisme de la Région et de tout le monde, en fait, sur les sujets écologiques, le brouhaha de la semaine dernière, lorsque tout le monde s’est réuni, la bouche en coeur, lors de l’inauguration du nouveau terminal de l’aéroport. Un terminal qui pourra donc accueillir encore plus de touristes, puisqu’apparemment, c’est le voeu du monde économique et politique local. Qui a évidemment relayé les éléments de langage à la sauce greenwashing, en insistant sur le fait que le bâtiment est “bioclimatique“. Dans son dernier rapport, le GIEC alerte pourtant, sur la nécessité de diminuer les voyages en avion, pour limiter – on ne parle même plus de réduire – la hausse des températures liées au réchauffement provoqué par les activités humaines. L’aéroport bioclimatique, c’est une blague aussi marrante que les bouteilles en plastique écolo d’Edena.
Le nouvel aéroport polluera donc évidemment beaucoup plus, en accueillant toujours plus de touristes, à qui il faudra louer plus de voitures, créer plus de logements, importer plus de nourriture, venus en cramant plus de kérosène. “Bioclimatique” ou pas, c’est, encore, une catastrophe.
Plus de touristes, c’est, enfin, loin de toute considération écologique, toujours plus de Réunionnais qui ne pourront pas se loger. Si les prix des loyers sont particulièrement élevés dans l’Ouest c’est, encore, parce que les proprios préfèrent louer leurs habitations sur des courtes durées, à prix d’or, à des touristes, plutôt qu’à des familles qui cherchent un toit. L’encadrement de AirBnB ne changera pas grand chose, juste les marges énormes des proprios.
Les chiffres annoncés il y a quelques semaines par Patrick Lebreton, que Le Tangue a pu donc confirmer en potassant ceux de l’Observatoire sont en fait terribles pour La Réunion de ces prochaines années. Deux crises majeures de l’Île, l’une, actuelle, le logement ; la seconde, qui arrive, écologique, vont donc exploser, au profit d’emplois précaires et de court terme. Le nouvel aéroport ou les chiffres du tourisme méritent donc d’être traités comme tels : des drames.
La rédaction du Tangue
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