Jean-Michel Avissurtout

Premier édito depuis deux mois : faut dire que, des fois, on n’a pas d’avis à donner. Donc on la ferme.

 

 

L’édito, ou le summum de la branlette. Pour ceux qui seraient peu familiarisés avec la presse, un éditorial, c’est quoi ? Il s’agit d’un texte écrit par un membre de la rédaction d’un média – souvent un chef – qui donne son avis sur un sujet, avis sensé représenter la ligne éditoriale dudit média.

Chez nos confrères de la presse écrite, il faut en gratter un par jour. Ailleurs, le rythme est parfois le même, ou hebdomadaire. Dans tous les cas, il faut produire de l’édito, souvent, régulièrement. Ça flatte surtout celui qui l’écrit, persuadé que son avis sur les municipales, la pêche aux requins ou les décharges sauvages est assez intéressant pour être partagé. Ça reste un avis. L’exercice de l’édito impose d’avoir un avis. Sur tout. Tout le temps.

Le Tangue est un média comme un autre. Il a donc, lui aussi, son édito. Lui aussi, une fois par mois, bascule dans la branlette intellectuelle, et dit ce qu’il pense de la politique, de l’écologie, de Hayot… Bon, chez nous, l’édito est gratos : on ne va pas faire payer non plus les discussions de comptoir. 

Normalement, nous avions décidé d’écrire un édito par mois, aux alentours du 20. Zut : le dernier date de mai.

Faut dire que, des fois, on n’a pas grand chose à raconter. Rien de plus, en tous cas, que ce que nous produisons dans nos enquêtes. On ne voit pas vraiment ce qu’on pourrait ajouter de plus sur la mort de George Floyd ou la nomination de Gérald Darmanin. On a failli écrire un truc sur les déboulonnages de statues : on a laissé tomber, notre avis n’ayant aucun intérêt, reposant plus sur des données affectives que sur des faits. On a des avis sur le confinement, sur les élections dans les intercos, Adama Traoré, mais on pense franchement que notre avis, vous vous en branlez. C’est pas parce qu’on bosse dans un journal que ce qu’on pense sur ces sujets-là mérite une quelconque visibilité. On est comme tout le monde : des fois, on a une opinion, sur un sujet, complètement irrationnelle, déconnectée de la réalité, débile. C’est notre opinion. Alors, on a des copains avec qui on partage des binouzes, on s’engueule, ça nous suffit. Les avis à l’emporte-pièce, qui font du ramdam sur les réseaux et dans les commentaires, on les garde pour les bistrots. C’est important, de faire bosser les bistrots.

Ne pas s’imposer l’exercice de l’édito, c’est finalement aussi avouer que des fois, ben on n’a rien à dire d’intéressant. Et dans ces cas-là, vaut mieux fermer sa gueule.

La rédaction du Tangue

 

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