Les propos de Gilbert Aubry tenus la semaine dernière sont passibles de prison. Mais l’évêque multi-récidiviste court toujours, sous les bravos d’élus et de milliers de fidèles, dans un contexte de grandes violences subies par la communauté LGBT+. Dans les compas immédiates, on envoie des bougs en tôle pour moins que ça.
Dans un monde normal, une présidente de Région communiste se lève, et se casse. Et les députés du même bord produisent des communiqués de presse pour condamner le lendemain. Dans un monde normal, des élus de premier plan, quelles que soient leurs convictions, n’assistent pas à un rassemblement dont le leader a pris l’habitude de tenir des propos potentiellement illégaux, et qui récidive sous leur nez. Mais à La Réunion, notre monde est farfelu : Huguette Bello a écouté religieusement, Jean-Hugues Ratenon a défendu le travail au noir et Cyrille Melchior, Karine Nabénésa et Bruno Domen n’ont pas moufté.
Il y a une semaine, donc, toutes les grenouilles de bénitier locales s’étaient retrouvées à la traditionnelle messe de la Salette, à Saint-Leu. Le chef de cérémonie était, bien évidemment, l’évêque Gilbert Aubry. Selon nos confrères, voici ce qu’il a balancé, sans qu’on ne lui ait rien demandé, devant les milliers de personnes réunies, élus cités ci-dessus compris :
“L’humanité est corrompue. Dans le domaine de la famille on fait n’importe quoi. Qu’est-ce que cela veut dire le mariage pour tous ? Une aberration ! Il ne s’agit pas de condamner les personnes mais dans la mémoire longue de l’humanité, le mariage a toujours été l’union d’un homme avec une femme et réciproquement. Ne perdons pas de vue que ce qui est légal n’est pas forcément moral. Et que dire de cette perversion qui consiste à présenter l’euthanasie comme le moyen de mourir dans la dignité ? On tue la personne pour soi-disant faire disparaître la souffrance alors que les soins palliatifs sont là pour gérer la souffrance et la faire disparaître pour que la personne puisse jouir de la vie jusqu’à la fin naturelle de sa vie”.
Le laïus sur l’euthanasie, c’est juste un énième gloubiboulga catho dans un contexte où des débats législatifs sont en cours. On a l’habitude. Mais la première partie de la citation remplit un joli bingo : l’homophobie et la remise en cause d’une loi votée il y a presque dix ans. Soit un délit passible de prison, et des propos haineux et antirépublicains. Quand c’est un imam qui sort ce genre de truc, ça fait un pataquès pas possible jusqu’au sommet de l’Etat. Ici, ça va, c’est ce bon vieux Gilbert, pas touche. Amen.
Problème, et alors que les médias semblent découvrir aujourd’hui qu’Aubry est dangereux : ça dure depuis des plombes. La phrase “Ce qui est légal n’est pas forcément moral”, il l’avait déjà prononcée en 2012. “Décadence“, “turpitude” (voir hyperlien précédent) pour qualifier le mariage homo, participation à des manifs anti-IVG où des homos ont été agressés, peu d’empressement mis par le diocèse à aider la Commission Sauvage, tout était connu par les milliers de fidèles, élus compris, qui s’étaient déplacés dimanche dernier à Saint-Leu.
Pourtant, comme Le Tangue l’avait expliqué lors de la nomination de Sébastien Lecornu au MOM, un rapport de 2018 décrivait “un état des lieux alarmant des violences et discriminations subies par les populations LGBT ultramarines” et une “homophobie et transphobie plus marquées que dans l’Hexagone en raison de la prégnance des environnements culturels”. Ah, mais si ça se trouve, les homos, ils votent pas trop. Alors ça va, on peut continuer à les laisser déprimer en silence. Vaut toujours mieux avoir Aubry dans sa poche. Comme le tonton facho du dimanche aprem, qui a fait pleurer le petit dernier parce qu’il a dit qu’il aimait bien la danse, mais qui réussit quand même vachement bien les barbecues.
La rédaction du Tangue
Photo de “une” : extrait de la page Facebook de la Ville de Saint-Leu.