L’épidémie a mis un sacré bordel dans tous les pans de nos vies. Mais le plus durable pourrait bien être celui causé dans le cadre de nos relations. Dans le genre “sujet qui finit en baston en soirée“, le Covid a remplacé largement le 11 septembre ou la “crise requins”.
On l’a tous, ce pote qui, dès qu’il a un canon dans le nez, commence à prendre la tête à tout le monde avec la politique, qui décide que ceux qui viennent d’acheter une maison sont de droite, alors que le reste du groupe préfère discuter du bien-fondé de mettre des fruits dans le rhum arrangé. Le relou.
Y a trente, vingt ans, il vous aurait farci les oreilles avec la peine de mort, la corrida ou le 11 septembre. Plus récemment, la “crise requins” était encore l’assurance de finir par se jeter des verres à la tronche. Aujourd’hui, le Covid a supplanté tout le reste, à des niveaux jamais atteints, et sans aucun doute durables.
Parce que depuis un an et demi, l’épidémie rythme nos vies. En couple, célibataire, avec ou sans enfants, chômeur ou travailleur, vieux ou jeune, vous en avez ressenti les effets. Malade ou pas, d’ailleurs. On ne l’a pas tous vécu de la même manière, évidemment, mais on voudrait tous que ça se termine vite.
Alors, finalement, le Covid, personne ne s’en fout. Et c’est là où le bât blesse. Car lorsque vous aviez le lourdingue de la soirée qui débarquait en vous assurant que l’Homme n’avait pas marché sur la Lune, vous laissiez rapidement tomber, vous n’étiez peut-être pas né, et de toutes façons, ça ne changeait pas grand chose à votre vie.
Le pire ? Avant, il était sympa.
Mais lorsque le même, aujourd’hui, vous affirme que les vaccins sont dangereux, que l’épidémie n’existe pas, que la chloroquine, ça marche, c’est différent : vous l’avez vécu, le confinement. Vous avez vu, que la vaccination désengorgeait les hôpitaux. Vous avez vu des proches mourir ou, au moins, être très malades. Vous avez peut-être perdu votre emploi ou juste vos moments de sociabilisation dans les bars ou les clubs de sport, qui venaient rompre votre solitude. L’épidémie, on l’a tous vécue avec nos tripes. Le discours de ce pote, vous ne pouvez y être indifférent : il vient nier vos souffrances et les solutions qui tentent d’y mettre un terme. Ce pote, par ailleurs très sympa, vous ne le verrez plus, puisqu’il a choisi de ne plus écouter vos arguments et de vous imposer ses délires quand tout le monde avait demandé de parler d’autre chose.
Car il a une manie, en plus : il ne peut s’empêcher de vous emmerder avec ça. Il ne veut pas se faire vacciner ? Allez, tout le monde ne trouve pas ça cool, mais après tout, il est venu avec un pack de Dodos, on parlera d’autre chose.
Pas lui. Il est venu vous traiter de “moutons”, vous citer des études de Réinfo Covid, il veut vous convaincre (1). Il ne vous laisse pas d’autre choix que de ne plus l’inviter. Il n’ira plus dans les bars, plus au concert, vous le verrez moins, de toutes façons. Et comme vous avez arrêté de le suivre sur les réseaux sociaux, vu les conneries qu’il partage, vous avez en fait perdu un pote.
Il existe toujours plein de raisons de perdre un pote. Celle-ci est cruelle, car celui-ci risque de se retrouver seul, ou entouré de gens qui pensent comme lui alors que franchement, c’était un chouette copain, avant. La fracture à venir est là, tellement profonde qu’elle pourrait être durable : comment, au final, parvenir à retrouver quelqu’un sympa quand, pendant de longs mois, vous l’avez vu être aussi con ?
La rédaction du Tangue
- D’ailleurs, au Tangue, nous n’avions jamais observé autant de commentaires haineux sur les réseaux sociaux depuis… la “crise requins”. Nous l’avons constaté aussi dans le cadre de notre travail : le dialogue est absolument impossible, même, pourtant, avec des lecteurs de longue date.
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