Ah, qu’il est loin, le temps de la visite d’Emmanuel Macron à La Réunion, quand le JIR, ripostant à l'”oubli” des équipes du président de l’avoir prévenu d’une visite aux Camélias, publiait une demi-page blanche taquine… Il semble loin le temps où le rédac’ chef de l’époque justifiait le courroux du JIR en affirmant qu'”Il n’y aura donc de notre côté ni excuse, ni révérence“, suite à la publication, en “une” du titre “Pour l’instant, c’est du vent“, relatant le premier jour de la visite. A l’époque, c’est Le Quotidien, en face, qui passait la pommade, dans un édito louant “un catalogue d’ambitions déroulé avec brio par un chef de l’État dont l’énergie positive était communicative“. Un peu plus de deux ans plus tard, il semble bien que le JIR ait décidé de la faire, la révérence, justement.
Trois pages sont ainsi consacrées, aujourd’hui, à une interview “exclusive” de l’actuel président, édito inclus. Plus sûrement, une liste de questions qui été envoyée à l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, qui a répondu pour lui. Une interview illustrée avec des photos datant de la visite de Macron en 2019, justement, ce qui ne manque pas de sel. Car on pouvait difficilement faire plus cire-pompes, cette fois.
Sans jamais l’interroger sur ses promesses non tenues, le JIR a donc préféré servir les plats à Emmanuel Macron afin qu’il puisse dérouler son programme tranquillou. Des plats très sucrés. Ainsi, le président candidat n’a même pas à se justifier de sa non-campagne, le JIR le fait pour lui, en précisant que “vous étiez accaparé d’abord par la crise sanitaire, puis par le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine.” Il n’avait vraiment pas que ça à faire, d’essayer de défendre un programme, puisque pendant que les autres faisaient campagne, il “cherch[ait] par la voix diplomatique à engager un processus de paix entre la Russie et l’Ukraine.” On aurait pu préciser à quel point ç’a été efficace… Les résultats du premier tour, à La Réunion, qui ont mis Mélenchon et Le Pen en tête ? Le fait de “Réunionnais inquiets, et près, si l’on en juge par les résultats du premier tour, à voter en faveur du changement ? De l’inconnue…” Brrr…
Mais ce n’est que le début. La fermeture des lits dans les hôpitaux ? Pour le JIR, normal, puisqu’il s’agit de “sui[vre] l’évolution de la médecine vers plus d’ambulatoire“. La casse du service public ? Rabats-joie !
Les annonces sur l’écologie à Marseille, il y a quelques jours ? “Un joli clin d’œil aux (jeunes) électeurs qui sont allés voter pour le candidat Mélenchon“. Quand à l’emploi, la théorie ultra-libérale qui consiste à faire croire que s’il y a du chômage, c’est parce que les chômeurs sont fainéants est complètement validée par le JIR avec cette question : “Vous avez dans votre programme un objectif, celui du plein emploi à atteindre en cinq ans. Et pour y arriver, vous souhaitez poursuivre la réforme de l’assurance chômage en établissant de nouvelles règles qui incitent “encore davantage sur le retour à l’emploi.“” Sanctionner les chômeurs, voilà la réponse au chômage.
Avec de pareilles questions, fallait pas attendre des réponses incroyables. C’est donc un gentil filet d’eau tiède qui s’est écoulé de la bouche présidentielle, dans lequel on apprend que le candidat se satisfait de son bilan, sans jamais être contredit. Et au lendemain du débat d’entre-deux tours, où l’Outre-mer n’a quasiment jamais été évoquée, il est curieux de lire le titre de “une” : “L’Outre-mer, fer de lance de mon projet“. Il l’a oublié, hier soir, son fer de lance.
Ce matin, le JIR considère en fait que le monde se divise en deux catégories : les pro-Macron, et les pro-Le Pen. Deux visions : “Celle portée par le président-candidat, ouverte sur un monde en mouvement, et celle portée par la candidate du Rassemblement national, “repliée” sur elle-même.” Le bien contre le mal, un peu. C’est quand même oublier tous ceux qui vont aller voter dimanche pour le moins pire des deux. Ou pas voter du tout.
L. C.
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