Délais de résultats de labos flous et trop longs, vérification succincte des tests au Sars CoV-2 par les personnels de bord… Des voyageurs nous ont expliqué comment l’un d’eux est parvenu à passer dans la salle d’embarquement sans test négatif pour rentrer à La Réunion.
On a beau, en ce moment, se focaliser sur les clusters et les cas autochtones de personnes positives au Sars CoV-2, il faut bien se rendre à l’évidence : le virus est bien rentré par quelque part à La Réunion. C’est évidemment vers l’aéroport qu’il faut donc se tourner : avec la reprise des vols commerciaux, la fin de la quatorzaine obligatoire, et une reprise de l’épidémie dans l’Hexagone, tout était réuni pour le retour du coronavirus chez nous.
Depuis mi-juillet, un dernier garde-fous doit limiter l’arrivée du virus dans notre île, le test obligatoire avant de prendre l’avion. Or, les quelques cas positifs détectés lors des “dépistages à J+7”, facultatifs, montrent encore qu’il peut arriver par avion. Surtout, l’organisation que nécessitent les tests en amont du voyage, dans l’Hexagone, et le fait de laisser dans les mains des personnels de bord le soin de vérifier la validité des résultats laisse la porte ouvert à la fraude, même de bonne foi.
Lorsque vous êtes dans l’Hexagone, et que vous souhaitez prendre l’avion pour La Réunion, vous devez donc être munis de trois documents : une déclaration sur l’honneur attestant que vous ne présentez pas de symptômes d’infection au Covid 19 et que vous n’avez pas été en contact avec une personne contaminée dans les sept jours qui précèdent le voyage ; le formulaire d’aide au contact tracing de l’ARS, et les résultats d’un test RT-PCR négatif.
Si les deux premiers documents ne sont pas vraiment contraignants, le test, lui-même, peut vite l’être : il doit dater de moins de 72 heures avant l’embarquement, 96 heures si vous prenez l’avion le mardi. Cela nécessite donc de l’organisation, certes, mais aussi une certaine réactivité de la part du laboratoire de votre choix.
Pas de contrôle avant l’embarquement
Or, Le Tangue a pu prendre connaissance d’un cas particulier, où un voyageur a produit un faux test négatif à l’hôtesse chargée de le vérifier, sans que cela ne pose aucun problème à l’embarquement. Au vu de la facilité de la manœuvre, que Le Tangue a pu vérifier en ayant accès aux documents en question, on ne peut pas vraiment croire que ce cas est isolé.
Appelons notre couple de voyageurs réunionnais Albert et Jean-Louis, qui avait prévu son voyage en Europe de longue date. Pour rentrer de ses vacances, Albert a pris l’avion le 17 août, auprès d’une des compagnies qui effectue la liaison entre Paris et La Réunion. Il a effectué son test le 14 août dans le laboratoire d’un CHU de province, sur rendez-vous. Aucune attente, il reçoit le résultat de son test – négatif – 24h plus tard. Moins de 72 heures après son test, il a donc pu prendre son avion le 17 août à Paris, armé de son test négatif. N’ayant aucun bagage à déposer en soute, ayant récupéré sa carte d’embarquement sur Internet, il a donc pu passer tous les contrôles et arriver jusqu’à la salle d’embarquement d’Orly avant qu’une hôtesse ne vienne vérifier la négativité de son test et sa température juste avant sa montée dans l’avion. Il aurait donc pu se pointer en salle d’embarquement avec un test positif. Ç’aurait été un peu con, mais possible.
Passage avec un faux, sans problème
Son compagnon, Jean-Louis, doit ensuite prendre l’avion le mercredi 19 août en début de soirée, toujours pour rentrer à La Réunion. Lui aussi, a passé ses congés en province ; il se renseigne donc pour passer son test le lundi au plus tôt. Il contacte alors un laboratoire privé près de son lieu de villégiature, pour prendre rendez-vous. Le labo lui certifie qu’il pourra avoir les résultats de son test 48 heures plus tard, soit le mercredi en fin de matinée. Ça colle, Jean-Louis se fait donc tester.
Quarante-huit heures plus tard, à quelques heures de l’embarquement, Jean-Louis n’a toujours aucune nouvelle de son test : contacté, le laboratoire ne peut pas lui en dire plus. Il passe donc un coup de fil à Albert, pour lui faire part de la situation et de son inquiétude de ne pouvoir rentrer à La Réunion.
Au cas où, Albert décide donc d’utiliser son propre test négatif et, à l’aide d’un logiciel de modification des documents PDF – légal, trouvable gratuitement et facilement sur Internet – remplace ses propres coordonnées par celles de Jean-Louis, sans toucher au numéro de dossier et aux numéros identifiant les patients, tout en gardant l’en-tête du laboratoire du CHU qui l’avait testé. Il envoie le tout à Jean-Louis : Le Tangue a pu consulter le document, il est plus vrai que nature, et Albert, qui n’est pourtant pas une flèche en informatique, nous a confirmé que la manip’ n’était pas très compliquée.
Quelques heures avant l’embarquement, Jean-Louis arrive donc à Orly, et part s’enregistrer. Ayant des bagages à déposer en soute, c’est à l’enregistrement qu’un personnel de bord vérifie la validité de ses documents, dont le faux test négatif. Aucun problème n’est signalé, il passe donc tous les contrôles sans encombre. Précisons que Jean-Louis nous a assuré avoir pris ses précautions pendant ses congés, portant le masque et respectant les distances sociales.
Finalement, Jean-Louis reçoit bel et bien le résultat de son test, 56 heures après s’être fait curer le nez. Il est négatif. Mais l’ayant reçu seulement un quart d’heure avant l’embarquement, s’il avait dû l’attendre, il n’aurait pas pu prendre l’avion. Avec l’engorgement de laboratoires, notamment en Île de France, et le manque de personnels dans ceux-ci, Le Tangue n’est pas dupe : au vu de la facilité qu’il y a à bidouiller un test négatif, notre couple de voyageurs n’est pas le seul à avoir grugé. Selon nos informations, les personnels de bord des différentes compagnies n’ont reçu qu’une courte formation pour vérifier la validité des tests, qui s’effectue donc de manière assez succincte. Et comme ni le confinement à l’arrivée, ni le test une semaine plus tard ne sont obligatoires, il n’y a aucune raison de penser que le virus ne continue pas de pénétrer à La Réunion par l’aéroport.
Loïc Chaux