Sur le Pont-Neuf, la thèse du gentil flic Réunionnais a du plomb dans l’aile

 

C’était notre dernière gloire locale : le policier qui avait tiré sur les occupants d’une voiture ayant tenté de se soustraire à un contrôle sur le Pont-Neuf, à Paris – en tuant deux, et en blessant un troisième gravement – était Réunionnais. Des origines et une mise en examen pour homicide qui avaient provoqué une manifestation de soutien chez les flics de Malartic, réunissant une quarantaine de personnes, un des plus gros regroupements de France. Lors de cette manif, le syndicat Alliance, qui savait évidemment les conclusions de l’enquête avant tout le monde, rabâchait que le policier avait agi en état de légitime défense : “C’est une injustice, s’était désolé Idriss Rangassamy, secrétaire départemental du syndicat très droitier. Camarade, tu n’as fait que ton travail“, avait il dit auprès de nos confrères. Avant de se lancer dans des hypothèses hasardeuses : “Il n’a fait que défendre la vie de ses collègues, sa propre vie. […] Quand on voit un collègue se faire traîner, un collègue pouvant se faire percuter, on réagit !” Sauf que d’après l’enquête en cours, ça ne s’est pas tout à fait passé comme cela.

C’est, en tous cas, ce que viennent de révéler Mediapart et Libération, qui ont eu accès aux premiers éléments de l’enquête, qui semblent mettre à mal la thèse du pauvre jeune Réunionnais obligé de tirer sur tout ce qui bouge pour sauver sa peau et celle de ses collègues. 

D’abord, parce que ses collègues, ils ont bien failli s’en prendre une… “Le policier a mis en danger deux de ses collègues, qu’il a failli toucher, tandis qu’un autre agent se couchait sur un passant pour le protéger“, relate par exemple Mediapart. Les collègues en questions relatent, en effet, des balles qui sifflent, un accroupissement pour éviter les bastos du copain, et un autre obligé de protéger un passant…

Quant aux balles qui ont tué deux occupants de la voiture ?  Selon les constatations des médecins légistes, elles venaient de côté et de l’arrière. Les impacts montreraient, en effet, que le policier aurait commencé à canarder l’avant de la voiture, puis aurait continué une fois qu’elle l’aurait dépassé, alors qu’elle ne représentait plus de danger. Et ce serait après ce dépassement que des balles sont venues tuer le conducteur et son passager. Le tout à l’aide d’un “fusil d’assaut HK G36“, servant à “riposter efficacement contre un ou plusieurs individus lourdement armés, déterminés et souvent porteurs de gilets pare-balles”. Ce qui n’était pas le cas des occupants de la voiture.

De même, l’enquête cherche à déterminer si la voiture représentait vraiment un danger de mort pour les fonctionnaires au moment où elle a démarré. Un des collègues du policier réunionnais avait en effet eu le temps de s’écarter, et les premières constatations semblent indiquer que l’auteur des coups de feu aurait pu, lui aussi, en avoir le temps. Des témoins extérieurs affirment même qu’il se trouvait du côté de l’aile du véhicule, et pas en face. Dans tous les cas, il n’y a pour le moment aucun élément qui vient confirmer que le policier a tué en état de légitime défense, bien au contraire.

Selon Mediapart, le policier serait rentré à La Réunion. Il a l’interdiction d’exercer auprès du public ni de rentrer en contact avec ses anciens collègues, en attendant la fin de l’enquête. La sœur des deux victimes a porté plainte pour “homicide volontaire”.

L. C.