2020, l’année où on aurait pu être moins cons

A force de diriger La Réunion à coups de pansements sur des jambes de bois, les décideurs locaux montrent chaque jour qu’il leur manque un petit quelque chose, tout bête : une vision. 2020 aurait pu nous faire changer d’avis ; c’est raté.

 

2020 ne restera pas seulement dans nos têtes comme une année de merde ; avec du recul, elle sera l’illustration parfaite qu’à La Réunion, on est gouvernés par des flèches. Et on ne parle même pas des affaires.

Y a-t-il quelqu’un, là-haut, avec une vision pour cette Île ? Apparemment, non. Les mecs rapiècent, réparent, courent derrière le monde, qui n’a apparemment pas l’intention de nous attendre. Les exemples se trouvent à la pelle. Le plus connu de tous ? Cette NRL, qui n’avance plus, construite pour sécuriser la liaison entre l’Ouest et le Nord. Sécuriser une voie pour bagnoles. Pas pour imaginer la Réunion de demain avec moins de voitures, plus propre, non. Pour continuer à permettre aux voitures de rouler, vroum vroum. Sans rire : y a pas quelqu’un de la Préfecture, de la Région,, d’on ne sait où, récemment, qui a pris sa voiture à Saint-Denis à 17h ? C’est de pire en pire. L’autre jour, Le Tangue a mis trois quarts d’heure pour relier les anciens Trois-Brasseurs à l’immeuble Futura. Trois quarts d’heure, bordel. Ailleurs, dans le monde, plusieurs îles commencent à réfléchir à supprimer les voitures, à développer toutes sortes de transports doux. Les Mauriciens ont leur métro. Nous, on inaugure des ponts dans l’Ouest – parce que l’Est, hein, c’est des paysans, on verra plus tard ! – pour résorber des bouchons qui. dans tous les cas, ne feront que grossir. On sera un million dans dix ans ! 

Et le tourisme, personne ne voit donc rien venir ? Le secteur se prend une tarte en 2006 au moment du chik ; il s’en reprend une après la “crise requins” ; rebelote au moment du Covid. A chaque fois, la réponse, c’est “Des aides ! Des aides !“. Y a pas un cravateux, dans un bureau, qui va juste se dire : “Bon, ce secteur est fragile, il représente une part énorme dans les emplois à La Réunion, faudrait peut-être essayer de baser notre économie sur un domaine moins bancal…” Eh non : en ce moment, tout le monde est content, les hôtels sont pleins. Dans un mois, quand il faudra reconfiner tout le monde, les mecs pleureront de nouveau pour demander des aides, alors qu’il aurait peut-être juste fallu patienter quelques mois de plus. La stratégie du court-terme. En mars, La Réunion était le département français qui avait su le mieux échapper à l’épidémie de Covid, avec une recette connue : confinement et fermeture de l’aéroport. On aurait pu être un exemple pour la France entière, voire le monde, on aurait été étudiés pendant des années. On a trouvé une recette qui marche ? Allez, hop ! On la jette à la poubelle, et on se prend une vague en pleine figure ! Faut pas être un peu con, quand même ?

 

Chanvre, basculement des eaux et Régionales.

 

Et l’agriculture. Saviez-vous que la France est le premier producteur de chanvre en Europe ? Bien. Savez-vous où il est cultivé ? En Champagne, en Normandie, en Bourgogne. Le cannabis thérapeutique va aussi très certainement être cultivé dans l’Hexagone. Chez nous, ça pousse comme du chiendent, mais la Chambre d’agriculture en est encore à “réfléchir” à laisser un peu de place à une culture à fort potentiel. On pourrait devenir, dans le futur, le grenier à Marie-Jeanne de l’Europe, mais non, pensez-vous. Vaut mieux ce vestige de la période de l’esclavage, abreuvé de subventions, de pesticides et de flotte qui, de toutes façons, sera un jour ou l’autre remplacé par la betterave, cette sacro-sainte canne à sucre dont la plupart des Réunionnais n’ont absolument rien à faire. En mars, on voulait trouver des oignons et des salades. Y en avait pas. Ben non, on n’a pas assez de place, pour les carottes. De tous ceux qui parlaient, alors, de “circuits courts“, de “production locale“, aucun n’avait, franchement, abordé frontalement le problème : faut arracher la canne. Eh non, la priorité, c’est de conserver ses quotas sucriers pour les prochaines années, hein, pas de nourrir ces cons de Réunionnais.

Le Tangue est consterné. Consterné de voir qu’entre la Cinor et la Région, y en a pas un pour être un peu moins idiot et laisser tomber un projet de tram à Saint-Denis, quitte à lancer des études pour deux projets parallèles. Consterné de voir les embouteillages s’agrandir dans l’Est, quand les plus gros travaux d’infrastructures s’effectuent dans l’Ouest. Consterné de voir que la basculement des eaux, un chantier à plusieurs centaines de millions, ne sert plus à rien au moment des sécheresses, qui seront de plus en plus nombreuses à cause du réchauffement climatique. Consterné de voir que de cette année 2020, qui a mis dans les pattes des Réunionnais un nombre incroyable d’épreuves, ne sera tirée aucune leçon. Et encore : la campagne pour les Régionales n’a pas encore commencé : heureusement que les bureaux du Tangue se situent au rez-de-chaussée, on aurait déjà sauté par la fenêtre.

La rédaction du Tangue