Le Tangue a pu recueillir le témoignage d’une voyageuse qui n’a jamais eu à présenter le résultat de son test avant de prendre l’avion à Orly, et alors que la France fait face à une nouvelle augmentation de cas positifs au Covid-19.
C’est un nouveau couac dans les mesures destinées à préserver La Réunion de l’épidémie de Sars Cov 2. Peut-être bien au pire des moments : la France doit faire face à une explosion de nouveaux cas, et, plus inquiétant, à un rebond du nombre d’hospitalisations. Si bien que les nouvelles mesures pour éviter la propagation du virus se multiplient, et qu’il devient de plus en plus compliqué de boire des godets avec les copains où avec sa tatie. A La Réunion, l’épidémie se poursuit à rythme d’environ soixante-dix nouveaux cas par jour, et surtout une augmentation de patients dans les services de réanimation, selon les derniers chiffres communiqués par l’ARS.
Depuis août, et le début de la vague dans laquelle nous sommes aujourd’hui, la plupart des cas sont dits “autochtones” (nous avons expliqué comment comprendre ce terme ici) ; ce qui n”est pas étonnant, puisque, en théorie, depuis mi-juillet, chaque arrivant à La Réunion par avion est censé avoir fourni un test négatif au coronavirus avant de voyager.
En théorie.
Car, comme le dit l’ARS dans son dernier communiqué, on trouve encore des cas “importés”, c’est-à-dire de personnes arrivées à La Réunion porteuses du virus. Il y en a eu seize la semaine dernière. Comment est-ce donc possible ? Notamment parce qu’il y a des problèmes dans la vérification des tests au départ des avions à Paris, une vérification laissée à la charge des compagnies.
Il y a quelques semaines, Le Tangue vous avait d’abord révélé comment il était possible de créer un faux test négatif au virus pour pouvoir prendre l’avion. Face aux temps d’attente pour obtenir les résultats des labos, de nombreux voyageurs ont fait le choix de produire des faux, comme d’innombrables témoignages nous l’ont confirmé ensuite, et comme nos confrères l’ont relaté dans des enquêtes les jours suivants.
Passage sans test
Aujourd’hui, nous avons pu prendre connaissance du témoignage d’une voyageuse à qui on n’a absolument rien demandé au moment de prendre l’avion.
L’histoire s’est déroulée la semaine dernière. Notre voyageuse, appelons-là Josette, prend rendez-vous dans un laboratoire pour faire son test, elle reçoit rapidement le résultat, il est négatif. Elle se rend à Orly, pour prendre son avion, chez Corsair. Comme tous les voyageurs, elle doit avoir, avec elle, deux documents : son test négatif et une déclaration sur l’honneur qu’elle n’est pas malade. Elle a le premier, a oublié de se munir du second. Elle va donc au comptoir de Corsair demander quelques renseignements. Elle finit par se débrouiller pour obtenir cette attestation, et, aux renseignements de Corsair, on lui explique que ces papiers lui seront demandés lors de l’embarquement dans l’avion.
Josette n’était munie que d’un bagage à main ; elle n’a donc pas eu à passer par la case “enregistrement”, elle est juste passée par la borne informatique prévue à cet effet, n’ayant rien à déposer en soute. Comme la compagnie nous l’a confirmé, les voyageurs qui ont des bagages à enregistrer en soute voient leurs documents vérifiés à ce moment-là. Pour ceux qui ne passent pas à l’enregistrement, “Le superviseur du vol insère un commentaire dans le dossier de chaque passager concerné. Grâce à cette annotation, le système bloque le passager au moment de l’embarquement. Le contrôle du test qui n’a pas été fait à l’enregistrement se fait alors au moment de l’embarquement, par un agent Corsair.”
Sauf que Josette, elle, n’a jamais été bloquée. Entre le moment où elle s’est enregistrée sur la borne, et celui où elle est montée dans l’avion, personne ne lui a jamais demandé de produire les documents qui sont, normalement, nécessaires pour rentrer à La Réunion. Chez Corsair, on nous a affirmé : “Depuis que les tests PCR sont obligatoires, Corsair est extrêmement attentive à la stricte application du protocole sanitaire. Nous contrôlons 100% de nos clients et vérifions systématiquement et très attentivement les tests présentés.” Ce qui, selon le témoignage que nous avons pu collecter, est donc faux. Il y en a au moins une qui est passée à travers les mailles du filet.
Du moins, une dont Le Tangue a pu entendre parler. Des milliers de voyageurs entrent chaque semaine à La Réunion, par le biais des quatre compagnies locales chargées de vérifier les tests négatifs au Sars Cov 2. Entre les tests photoshopés et les oublis de contrôles, l’aéroport est en train de redevenir une passoire. Vivement le prochain reconfinement !
Loïc Chaux
Habituellement, Le Tangue ne fonde pas uniquement ses informations sur des témoignages. Cette fois-ci, c’est différent : la manière dont l’information a été recueillie crédibilise grandement celui-ci.
Ce n’est en effet pas la voyageuse dont il est question qui nous a contacté directement ; elle a d’abord raconté son expérience de manière anecdotique à une connaissance, qui nous l’a rapportée ensuite ; la voyageuse ne savait donc pas que Le Tangue allait se pencher dessus au moment où elle a narré les faits développés ci-dessus. Nous avons donc finalement pris contact avec elle, afin qu’elle nous décrive, dans le détail, ce qui s’est passé. Nous avons jugé que cette information était suffisamment importante pour que nous la relations dans Le Tangue, même si nous n’avons pu, pour une fois, la vérifier avec des documents, comme nous avons l’habitude de le faire. Nous avons pu, cependant, confronter le témoignages avec d’autres éléments en notre possession, notamment sur les procédures habituelles de Corsair et des autres compagnies au moment de l’embarquement. Nous aurions pu vérifier auprès de Corsair dans le détail en obtenant le dossier lié à la voyageuse auprès de Corsair ; nous avons préféré conserver l’anonymat de notre source, et ne pas communiquer à la compagnie des éléments sur celle-ci. |