Si Cyrille Hamilcaro mériterait un dossier à lui tout seul, c’est le sud réunionnais tout entier qui est garni de repris de justice.
Saint-Louis
• Dans la bouillante cité sudiste, les administrés sont vernis. Cyrille Hamilcaro, par exemple, revient tout juste d’une peine de cinq ans d’inéligibilité pour avoir financé sa campagne des cantonales en 2004 grâce à une vente fictive de terrains communaux. Élu maire en 2014, il avait dû démissionner après l’aggravation de sa peine par la Cour de cassation, qui lui avait aussi mis deux ans de prison avec sursis dans les gencives.
Son parcours judiciaire avait commencé plus tôt : le 14 novembre 2013, la Cour d’appel avait confirmé sa peine de trois ans d’inéligibilité, dix mois de prison avec sursis et 85 000 euros de dommages et intérêts pour son implication dans l’“Affaire de la pépinière”. Lorsqu’il était maire, il avait loué un terrain agricole aux frais de la municipalité pour 1372 euros par mois alors que le loyer normal pour cette parcelle était évalué à 90 euros. Hamilcaro a aussi été condamné plusieurs fois pour diffamation, envers Paul Vergès en 1998 ou Claude Hoarau en 2010.
Autre affaire marquante, en février 2012, Cyrille Hamilcaro est reconnu coupable, en tant qu’ancien président du SDIS, de harcèlement moral à l’encontre du directeur, le colonel Jean-Marc Loubry, entre 2005 et 2006. Roland Sihou, qui était à l’époque chef de cabinet, a lui aussi été jugé coupable. Tous les deux sont condamnés à six mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende, plus deux ans d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Cyrille Hamilcaro a expliqué qu’il avait répondu à une commande politique : celle de faire partir le colonel. Il n’a jamais prononcé le nom de Nassimah Dindar qui l’avait désigné à ce poste.
Récemment, Hamilcaro a encore et toujours fait parler de lui. Depuis décembre 2016, il est mis en examen pour avoir joué les maires bis à la place de Patrick Malet malgré sa condamnation. Des faits de “poursuite irrégulière de ses fonctions par un élu”. Il est aussi soupçonné de “complicité de prise illégale d’intérêt” pour avoir fait embaucher son épouse à la tête du CCAS. Le candidat soutenu par Didier Robert pourrait être prochainement renvoyé en correctionnelle. En attendant, il est toujours sous le coup d’une interdiction de paraître dans les bâtiments de la mairie de la ville du sud, doublée d’une interdiction d’entrer en relation avec Patrick Malet ainsi que certains employés municipaux.
Et début février, nouveau scandale : entendu par les gendarmes de Saint-Pierre, il est soupçonné de s’être procuré le fichier du personnel communal à des fins électorales. En juillet, Cyrille Hamilcaro avait en effet envoyé une lettre afin de présenter sa candidature aux 2500 employés communaux de Saint-Louis. Et si Hamilcaro était en fait notre champion ?
• En face, l’ennemi de toujours a essayé de faire aussi bien. Claude Hoarau, donc, a fait du très, très lourd en 2008. Il voit son élection à la mairie annulée, après que le tribunal administratif puis le Conseil d’État aient constaté “un contexte de violence et de haine raciale” peu propice à un déroulement d’élections dans de bonnes conditions.
Il avait, d’autre part, promis à un candidat du premier tour d’embaucher ses copains à la mairie s’il se désistait pour lui : cela lui a valu un an d’inéligibilité et quatre mois de prison avec sursis pour complicité de prise illégale d’intérêt et achat de voix en 2011.
Juste avant les élections de 2014, Claude Hoarau avait, enfin, dû renoncer à se présenter : la cour de cassation venait en effet de rejeter son pourvoi dans l’“Affaire Étangsale”, du nom d’une dame qu’il avait embauchée à la mairie à condition qu’elle cesse de militer pour son concurrent Hamilcaro. Il avait donc vu sa peine de cinq ans de privation des droits civiques, huit mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende confirmée.
• À côté, les concurrents font pâle figure. Yvan Dejean, par exemple, fait juste l’objet en ce moment d’une enquête de la gendarmerie, qui essaie de vérifier s’il occupe vraiment à plein temps son emploi de directeur de cabinet au Sidelec, dirigé par son copain Maurice Gironcel, ou s’il profite d’un emploi fictif.
Étang-Salé
• 2019, année chargée pour le maire actuel et candidat à sa succession, Jean-Claude Lacouture. En mai, il a vu son ancienne maîtresse et directrice de cabinet se faire condamner pour recel de prise illégale d’intérêt (peine confirmée en appel) : le tribunal a jugé qu’elle avait profité de sa proximité avec le maire pour acheter une maison à la commune de l’Étang-Salé pour une bouchée de pain. Coup de bol : alors qu’il a reconnu avoir “manqué de discernement”, celui-ci ne pouvait pas être jugé dans cette affaire, prescription oblige.
Ça ne l’avait pas empêché, quelques jours plus tôt, d’être condamné à trois mois de prison avec sursis et cinq mille euros d’amende pour harcèlement moral à l’encontre de l’ancienne directrice du CCAS de la commune. Lors du procès, l’édile a reconnu avoir placardisé la plaignante, cadre A de la fonction publique territoriale, en la faisant travailler sur la “gestion du plan grand froid”. En novembre, il était ensuite placé en garde à vue pour être entendu sur une affaire d’emploi fictif présumé. L’enquête est en cours.
En raison de ce brouhaha lié à ces deux affaires, on avait oublié que les gendarmes ont perquisitionné en octobre la mairie de l’Étang-Salé dans une enquête sur des soupçons de favoritisme liés à des marchés publics attribués par la commune. Un entrepreneur local aurait bénéficié de renseignements de première main avant même la procédure de lancement d’appel d’offres. Ce qui lui aurait permis de produire la meilleure offre possible. L’heureux entrepreneur est connu pour être un proche du maire.
Entre-Deux
• Avec ses collègues Nassimah Dindar et Jean-Jacques Vlody, Bachil Valy a eu chaud aux fesses dans l’“Affaire du foyer de Terre-Rouge”, dans laquelle il était lui aussi accusé d’avoir employé des militants au lieu d’embaucher les CDD déjà en place. Condamné à un an d’inéligibilité en première instance, il avait été relaxé, comme les autres, en appel.
En revanche, il n’est pas très à l’aise quand on lui parle de l’enquête ouverte par le parquet de Saint-Pierre sur la Sodegis, qui s’occupe du logement social dans le Sud et qu’il a présidée. Les gendarmes travaillent sur des dénonciations d’abus de biens sociaux et des soupçons de favoritisme liés à des marchés : factures colossales à un avocat parisien, à un fournisseur informatique, à une entreprise de maçonnerie proche d’un administrateur de la Sodegis. Bachil Valy a reconnu dans un communiqué que son taux de présence à la Sodegis n’était pas très élevé, en dépit de son salaire. Surtout, explique-t-il, il existait un directeur général qui s’occupait de tout alors que lui était au courant de pas grand-chose. Faut voir si ça passe…
Saint-Pierre
• Michel Fontaine, le boss de la plus grande ville du Sud a été condamné en appel 2012 à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour détournement de biens et favoritisme dans l’affaire des marchés informatiques truqués de la CIVIS. Il s’en sort pas mal, pour l’instant, le patron des Républicains (LR) à La Réunion : autour de lui, ça tombe comme des mouches. Dernier exemple en date ? Ses deux proches suspectés par le Parquet de “modification des résultats d’un scrutin par acte frauduleux dans un bureau de vote”, filmés en train de bourrer des urnes pendant les dernières Européennes au profit de LR, et dont Mediapart avait révélé les images.
Petie-Île
• Serge Hoareau, le maire sortant et candidat à sa propre succession, l’a annoncé lui-même à la presse en avril 2019 : il fait l’objet d’une enquête pour harcèlement moral. Une employée communale aurait porté plainte contre lui en 2017, et Hoareau se dit “serein”.
Saint-Joseph
• Le tribunal administratif a déjà rappelé à l’ordre Patrick Lebreton, maire et candidat. Juste après son élection en 2008, il avait déplacé une employée du CCAS, épouse d’un opposant politique, dans les écarts de Saint-Jo, ce qui représentait deux fois treize bornes de plus à faire chaque jour pour la brave dame. Et, avec ça, elle était invitée à accepter une baisse substantielle de son salaire. Le tribunal administratif a statué en faveur de l’employée communale, considérant qu’il s’agissait d’une mutation à caractère politique : il a fait annuler la mutation. Lebreton avait ensuite décidé de de faire appel devant le conseil d’État qui a finalement rejeté ce pourvoi.
Le Tampon
• Inusable André Thien Ah Koon. Ni l’âge, ni la justice n’ont réussi à lui enlever son goût pour les élections. TAK a été condamné en 1995 à une amende de 10 000 francs pour prise illégale d’intérêts.
Dix ans plus tard, il était condamné pour la même raison, et abus de biens sociaux en sus : il avait profité de ses fonctions électives pour favoriser l’acquisition de terrains pour lui et des proches. Ces deux ans de prison avec sursis, ces 100 000 euros d’amende et ces trois ans d’inéligibilité auraient pu sonner le glas de sa carrière politique. Pourtant, le bougre est solide : il est redevenu maire du Tampon en 2014. On l’oublie, mais en septembre 2016, TAK a écopé d’un rappel à loi dans une affaire d’achat de voix à la suite de la plainte de Jean-Jacques Vlody. L’enquête a démontré que deux personnes avaient reçu de l’argent de la part du maire du Tampon pour influencer leur vote. “Quelques euros”, selon le parquet qui n’a pas retenu d’autres faits dénoncés (distribution de bouteilles d’alcool et journée festive figurant en fait sur les comptes de campagne). D’où cette décision d’une mise en garde de l’élu du Tampon.
• Comme ses camarades Bachil Valy et Nassimah Dindar, Jean-Jacques Vlody a senti passer le vent du boulet. Condamné en première instance à un an d’inéligibilité et quatre mois de prison avec sursis en 2016 dans l’“Affaire du foyer de Terre-Rouge”, il a finalement été relaxé en appel, comme les autres, le pourvoi en cassation du procureur général ayant finalement été rejeté. Il leur était reproché l’embauche de militants politiques au détriment d’agents plus qualifiés dans un foyer pour enfants saint-pierrois.
Saint-Philippe
• Le chien de garde de Didier Robert à la Région et actuel maire de Saint-Philippe, Olivier Rivière, est actuellement visé par une enquête concernant ses revenus. Suite à un signalement de la Haute autorité de transparence pour la vie politique, le cumul des (nombreuses) indemnités liées à ses (nombreux) mandats politiques dépasserait le plafond autorisé entre 2016 et 2018 : le jeune maire se serait ainsi goinfré 11 000 euros par mois, alors que le plafond est fixé à 8400 euros. Une enquête préliminaire a donc été ouverte par le parquet de Saint-Pierre en mai 2019. Elle est toujours en cours.
• En parlant de jeune… Son adversaire, Wilfrid Bertile, nous oblige à nous plonger dans de très vieilles archives. Le maire de Saint-Philippe dans les années soixante-dix et quatre-vingt (!) a en effet été condamné en 1987 par la Cour d’appel pour “délit d’ingérence”. Il lui était reproché d’avoir détaché à son profit et par l’intermédiaire de son premier adjoint et beau-frère une superficie de deux hectares d’un terrain dix fois plus grand acheté par la commune ; payée une bouchée de pain, la parcelle avait accueilli la maison du maire. Condamné notamment à l’interdiction d’exercer à vie toute fonction élective, il avait été gracié un an plus tard par le président de la République d’alors, François Mitterrand.
Cilaos
• Le maire et candidat Paul Franco Técher a été condamné en 2011 à huit mois de prison avec sursis et 10000 euros d’amende par la cour d’appel pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire de la RD 241 et de la réhabilitation de la place de l’Église, annulant malgré tout sa peine d’un an d’inéligibilité prononcée en première instance. Les faits reprochés : des travaux financés par la mairie qui avaient aussi servi à désenclaver la case familiale. Ces aménagements avaient, par la même occasion, facilité l’accès au restaurant Le Sentier, dont le Dr Técher est le principal actionnaire. En 2014, rebelote : il était de nouveau devant le tribunal pour prise illégale d’intérêt et favoritisme lors du vote du Plan local d’urbanisme de la ville en 2008. Ça s’était alors mieux passé pour lui et son beau-frère, lui aussi sur le banc des accusés : ils avaient été relaxés.
La rédaction du Tangue