Suite de ce délire politico-médiatique qui semble avoir éclipsé tout le reste, à la Réunion, après une vidéo diffusée sur les réseaux où on voit des marmays faire les imbéciles – et dégrader, au passage – une statue représentant une figure du christianisme. Au point où en est arrivés, on se demande quand où cela va s’arrêter.
Depuis hier, et la publication de notre article, d’autres personnalités de gauche se sont indignées, à coups de communiqués éplorés : les députés Jean-Hugues Ratenon, Karine Lebon, Emeline K/Bidy et Philippe Naillet, et la maire de Saint-Denis Ericka Bareigts, qui a promis de porter plainte contre la destruction d’un bien dont la commune est proprio. Toutes ces réactions parlent du “vivre-ensemble” qui serait mis en danger, d’actes qui auraient voulu “blesser, outrager, offenser les chrétiens et les Réunionnais d’une façon générale.” Apparemment, deux personnes auraient été interpellées ce matin ; tout ce beau monde aura l’air bien penaud quand ces marmay-là expliqueront qu’ils ont juste fait les cons, et qu’il n’y avait pas de portée symbolique ou politique derrière tout ça. Ca aura fait un peu de mousse à pas cher, et la gauche locale tentera de faire oublier qu’elle aura crié avec les loups à l’unisson des groupuscules racistes locaux.
(Aparté) Pour le coup, quand des croix gammées avaient été peinturlurées dans plusieurs endroits de La Réunion, ça avait fait moins de foin. Pourtant, des croix gammées, c’est politique, il n’y a aucun doute (fin de l’aparté).
Réagissant à cette interpellation, le préfet, à l’instant, a publié un communiqué, dans lequel il “salue l’action rapide et efficace des forces de police.” Mais surtout, il emploie un terme que nous avions relevé, déjà hier, chez la plupart des médias locaux : “Deux mineurs ont été interpellés ce mercredi, dans le cadre de l’enquête menée par le service territorial de la police judiciaire, suite à la profanation d’une statue de la Vierge miraculeuse de l’église de la Délivrance à Saint-Denis.“
Comme nous l’écrivions, donc, le terme de “profanation“, en droit français, a une définition précise : il s’agit d’un acte de dégradation “de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts“. La statue en question est un ouvrage religieux, appartenant à une commune, et n’a rien à voir avec la mémoire des morts. La laïcité impose, donc, que l’Etat ne voie dans cette affaire qu’une dégradation d’un bien public, peut-être même pas d’un lieu de culte, voire d’exhibition sexuelle.
En utilisant le terme “profanation“, le préfet, représentant de l’Etat, se fait donc la voix des croyants qui voient, eux, dans tout ce bazar, un acte religieux. Il aurait pu, au pire, parler de “provocation à la haine religieuse“, ce qui existe, pour le coup, dans le droit français. Mais non : il use d’un vocabulaire qui n’est reconnu que par l’Eglise. Dans ta face, la laïcité.
Pour anecdote, cette question a déjà été débattue, en 2003 en Sénat (lire cet excellent article du Monde sur le sujet). Interrogé par un élu, qui proposait d’étendre la fameuse loi citée ci-dessus, concernant les profanations, aux “lieux de culte“, le Garde des Sceaux d’alors, Dominique Perben, avait répondu : “Il semble inutile de prévoir, dans le cadre de ces dispositions légales, une référence spécifique à des dégradations de lieux de culte, qui sont par ailleurs réprimées par les dispositions de l’article 322-1 du code pénal qui punit d’une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende les dégradations de bien privé. A ce titre, les dispositions de la loi n° 2003-88 du 3 février 2003 qui ont modifié l’article 322-3 du code pénal ont aggravé les peines à hauteur de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, lorsque ces dégradations sont commises à l’encontre d’un lieu de culte.” Jamais, le terme “profanation” n’est utilisé. Au moins, on sait que quand le préfet s’exprime, c’est aussi le catho qui parle.
L. C.