Les grèves de patrons, nos préférées

Faire croire que filer du blé au bétépé résoudra la crise du logement est une cascade que seuls les patrons du secteur sont capables de réaliser. Voilà donc un joli mouvement social où il s’agit, au fond, de grignoter les dernières miettes d’une époque révolue.

 

 

Je participe au financement du Tangue 

 

 

Vous vous doutez bien, qu’au Tangue, on n’est jamais contre une petite grève. Et ce, même s’il nous a fallu deux heures, hier, pour relier Le Port à Saint-Denis. Avec, cependant, ce petit astérisque : à La Réunion, on a le rougay saucisse, le pétrel et les manifs de patrons. C’est comme ça : ici, la cégété et les camarades défilent avec les chefs d’entreprise de transport et donc, hier, du BTP. Petite particularité sympa, quand on est syndicaliste, que de s’associer aux dirigeants d’un secteur qui a l’excellente habitude de s’asseoir sur les droits des salariés.

Et ils veulent quoi, donc, les représentants du bétépé ? En gros, si on a bien compris, ils veulent qu’il y ait plus de constructions, pour qu’ils aient plus de boulot. Ca, c’est pour le mot d’ordre général. Evidemment, ils veulent aussi qu’il y ait moins de “normes”, et des baisses d’impôts. La concurrence des plus grosses boîtes, qui sucent les appels d’offres en sous-traitant ensuite au rabais ? Silence.  

Comment faire passer la pilule du blocage de la circulation ? Attention, cascade réalisée par un professionnel : “Les besoins de logement sont au plus haut”, nous dit la FRBTP. Voilà, les mecs : si le BTP fait grève, c’est pour vous, bande de couillons, qui cherchez un toit. Dites merci.

Alors, ils ont raison sur un point : les collectivités ne construisent pas assez de logements sociaux. Mais la crise du logement ne repose pas que là-dessus : comme Le Tangue l’expliquait il y a peu, il y a, à La Réunion, 35 000 logements vacants, environ 15 000 résidences secondaires, et on ne parle même pas des locations saisonnières. Hier, un représentant syndical affirmait que “45 000 personnes attendent d’être logées“. Eh bien, bonne nouvelle : il y a déjà de quoi les loger, sans rien construire de plus.

 

Traverse la rue, ou dors dessus

 

Et encore. Petit exemple : à côté du Tangue, vous avez l’ancien siège de la BR. “Bureaux à vendre“, que c’est écrit depuis des plombes. Combien de logements on pourrait caser à l’intérieur ? Et dans l’immeuble Futura, en décrépitude depuis des années ? En vrai, La Réunion n’a pas besoin de construire de nouveaux logements. Elle a besoin que la surface habitable déjà bâtie soit disponible pour les gens qui cherchent un toit, surtout les plus fragiles. Par exemple en arrêtant de filer les logements sociaux existants aux classes moyennes quand les plus pauvres dorment à la rue. Ou en cassant le marché dérégulé de la location de courte durée pour rendre disponibles à des prix moins élevés des appartements pouvant loger des familles. On te réquisitionnerait tout ça, nous…

 

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Selon plusieurs projections statistiques, la population réunionnaise devrait toucher le million, avant de stagner, voire de diminuer, comme le phénomène a déjà été constaté aux Antilles. La réalité, donc : il y a bien un moment, qui va arriver vite, où il faudra arrêter de construire des logements.

Quand le BTP va, tout va“, entend-on partout depuis hier. C’est mignon. Comme si construire toujours plus allait sauver l’Île. C’est faux : la bétonisation, par exemple, est un des facteurs clé de l’augmentation des inondations dans l’Île, qui vont aller en s’empirant avec le réchauffement climatique. Le BTP, ca crée peut-être de l’emploi, mais ça bousille aussi l’Île. 

 

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D’ailleurs, nos constructeurs le disent à demi-mots, ils voudraient “moins de normes“. En gros, pouvoir avoir accès plus facilement à des terrains pour l’instant non-constructibles. Qu’est-ce que c’est chiant, la protection de l’environnement. Pourquoi protéger un gecko, quand on peut couler une dalle !

Quand le BTP va, tout va ? Il s’agit, encore, d’une sorte de mantra, rabâché ad nauseam, reposant sur le fait que l’activité crée de l’emploi direct et indirect. C’est vrai. Les fast foods aussi, créent de l’emploi. 

 

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Le fait est qu’avec la lutte contre le réchauffement climatique, le BTP tel que nous l’avons connu dans les années deux mille version défisc ne reviendra jamais plus. Quoique : vu la tronche des immeubles qui ont poussé à cette époque, faudra sûrement les reconstruire bientôt. Ou, au moins, les rénover : mais le BTP, la rénovation, il aime pas. Il préfère monter des murs et creuser des trous.

En vrai, comme les planteurs, comme les transporteurs, le BTP est en plein combat d’arrière garde, à vouloir gober les dernières miettes disponibles d’un pan de l’économie voué à se casser la figure. 

 

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La question de la protection de l’environnement est évidemment, une fois n’est pas coutume, même pas évoquée. Il faut continuer à faire des sous, coûte que coûte. Si en plus vous pouviez faire un peu plus de bébés pour que les constructeurs de maisons aient une bonne excuse pour couiner, ce serait bien. Merci.

La rédaction du Tangue

 

 

 


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