Une lectrice du JIR et du Quot’ : “Au fin fond du Chaudron, ils savent même plus qu’on existe…”

Le Tangue a (presque) interviewé une lectrice assidue du Quotidien et du JIR, deux canards avec un pied dans la tombe.

 

Selon nos confrères, Le Quotidien cherche des repreneurs, et le JIR est aussi dans la panade au niveau financier. Vous êtes surprise ?

“Ca commence à faire un bail que les deux sortent des journaux de trente-deux pages. Vous enlevez le PMU, les petites annonces, les jeux et le programme télé, y pas besoin d’être très finaud pour comprendre qu’il n’y a plus grand monde pour faire tourner la boutique…

 

Comment expliquez-vous la situation ?

Ils disent quoi, eux ?

 

Baisse de la pub, concurrence d’Internet sur le marché publicitaire, prix du papier, subventions publiques trop faibles…

Ah, oui, oui. Rien d’autre ?

 

Euh, non…

Ben, je sais pas, c’est quoi, leur métier ? De vendre de la pub ? 

 

A priori, non…

Voilà. Y a un grand absent, dans toute cette histoire : le lecteur. Personne parle de nous. Je sais pas, hein, mais c’est nous, qui achetons ces journaux. Ou alors, qu’ils distribuent des prospectus, et  on n’en parlera plus. On met 1,20 euro pour acheter leurs produits, c’est quand même pas donné. Faudrait peut-être nous donner envie de le dépenser, ce 1,20 euro.

 

Oui, mais c’est compliqué, les journalistes sont complètement débordés, mal payés, comment peuvent-ils faire mieux ?

Je sais pas. Ce que je constate, c’est que lorsque j’achète les canards, y a quinze compte-rendus des conférences de presse de je-sais-pas quels pimpins ou communiqués sur les défauts d’assurance du week-end, que j’ai lus la veille sur Zinfos, Clicanoo ou Imaz Press. Que dès qu’ils organisent un salon à la Nordev, ils pondent des pages d’articles d’auto-promo au détriment du reste, parce que les salons, ça doit plus leur rapporter que de vendre des journaux. Les contenus exclusifs aux journaux, si tu regardes bien, y a vraiment plus grand chose : à force de courir derrière l’actu, comme le font tous les médias, y a plus personne qui prend le temps de faire autre chose. On n’est pas dupes, vous savez.

 

Vous pensez qu’ils ont oublié le lecteur ?

Mais c’est évident. Quand Tillier utilise son canard pour se faire élire sénateur, tu crois vraiment qu’il réfléchit à l’intérêt du lecteur ? Quand Le Quot’ se lance dans une croisade – louable, au demeurant – contre la Coupe du monde au Qatar, tu crois pas qu’il aurait pu faire autrement, en réfléchissant au lecteur ? On est complètement absents de la discussion. Les mecs écrivent plus pour informer, mais pour capter de la pub.

 

“Je ne me servirai jamais du titre pour faire campagne”

 

Un boycott décidé en misouk

 

Faudrait aller leur dire !

Ben tiens, v’là aut’chose ! Au fin fond du Chaudron, ils savent même plus qu’on existe… Avant, y avait des bureaux en ville, on les voyait partout, on pouvait aller les engueuler, discuter… Maintenant, faut quinze badges pour accéder aux rédacs, dans le trou du cul d’une zone industrielle. Je me souviens, rue Maréchal-Leclerc, quand on rentrait dans la rédac du JIR pour piquer un journal, et qu’on se retrouvait à boire un café avec un journaliste… (1) Mais non, le lecteur lambda, ça doit être cette chose étrange qu’on aperçoit de temps en temps de loin, quand on fait ses courses au Leclerc ou qu’on en attrape un pour un micro-tott’… Et encore, ils y vont même plus, ils font des sondages sur Internet, maintenant…

 

On parle de repreneurs, au moins pour un des deux journaux. Ca vous inquiète pour leur indépendance ?

Ah ah, mais ils ont que ce mot là à la bouche, “indépendance” ! Faudrait d’abord qu’ils arrêtent de nous prendre pour des cons. On le sait bien, qu’ils sont pas indépendants, qu’ils vont pas aller mordre la main qui les nourrit : leurs gros annonceurs, privés ou publics, ils y touchent pas, ben soit, c’est pas bien grave. Il y a une pluralité, à La Réunion, qui permet finalement d’être plutôt pas mal informés. Moi, je lis justement les deux canards pour avoir une vision d’ensemble. Bon, ok, ça arrive que les deux tètent au même biberon, mais là, y a encore d’autres moyens de s’informer. S’ils sont transparents. Le Quot’ se fait racheter par Deleflie ? Ok, qu’il le dise : on ira lire des infos sur Clinifutur ailleurs. J’ai jamais voulu m’informer sur Dassault en lisant le Figaro, ça ne m’empêche pas d’apprécier aussi ce journal pour ses pages sur l’International, par exemple. A partir du moment où tu vis de la pub et des aides des collectivités, l’indépendance, hein… Et puis, y a toujours des syndicats pour gueuler. Enfin, dans un canard, quoi…

 

Rachat de Vindemia par Hayot : cachez ces articles…

 

Ca vous ferait de la peine, qu’un des deux journaux disparaisse ?

Sur le principe, oui, bien sûr. Mais il faut arrêter de croire que la pluralité est en danger, il n’y a jamais eu autant de médias à La Réunion. Regarde l’Hexagone : les situations de concurrence entre journaux en papier ont presque toutes disparu. Dans le même temps, tout un tas de petits médias indépendants ont fleuri, venant compléter l’offre pour le lecteur. L’information des citoyens en a-t-elle pâti ? Moi, je crois que non : bien au contraire. Mais pour ça, faut aussi penser au lecteur. Oui, nous, les couillons qui demandons juste à être informés.”

Propos (presque) recueillis par Loïc Chaux

 

 

  1. Réellement vécu.
  2. Ceci est complètement de l’auto-promo, pour nous et Parallele Sud.

 

 


Cette interview est une parodie. Tous les propos tenus sont inventés, et toute ressemblance avec la réalité ne saurait être que fortuite.



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